Ce qu’en pense l’expert

Véhicules et technique Ausgabe-01-2025

Christian Bach

Nous avons posé quelques questions à Christian Bach, chef du département Sources d’énergie chimiques et systèmes pour véhicules à l’Empa

Routiers: Pourquoi la mobilité basée sur l’hydrogène est-elle restée au point mort ces dernières années?

Christian Bach: Les applications de l’hydrogène sont très exigeantes sur le plan réglementaire, technique et économique. L’un des grands défis est le coût de l’électricité, qui a nettement augmenté ces derniers temps. L’analyse de rentabilité de l’hydrogène s’est donc sensiblement refroidie. De plus, la Suisse politique et économique manque d’une vision claire à propos de l’hydrogène. La production d’hydrogène soutiendrait en fait fortement le passage à un système d’énergie renouvelable, car elle permettrait d’utiliser les excédents d’électricité. Mais tant que prévaut l’opinion selon laquelle la production d’électricité renouvelable est l’élément le plus important pour la transformation du système électrique et non son intégration, un système d’hydrogène durable ne pourra guère être réalisé.

Ne pourrait-on pas aussi dire qu’une autre technologie a dépassé la mobilité basée sur l’hydrogène?

Non, mais la concurrence est devenue plus forte. D’une part, les camions électriques à batterie peuvent de plus en plus être utilisés pour des charges plus importantes et des distances plus longues, et d’autre part, il est clair que pour le transport international de marchandises, les infrastructures, tant du côté de l’électricité que de l’hydrogène, font tout simplement défaut dans de nombreux pays. Dans l’ensemble, les camions électriques à batterie et à pile à combustible se concurrencent donc actuellement principalement dans le transport national de marchandises. Les conditions locales en matière de dépôts réservés aux poids lourds seront probablement déterminantes. Si une connexion appropriée au niveau de la moyenne tension est disponible pour mettre en place une infrastructure de recharge suffisante, les camions électriques ont un avantage. Si ce n’est pas le cas, ou pas dans la mesure nécessaire, les camions à hydrogène auront une longueur d’avance.

Mais sur les 1600 camions Hyundai FuelCell prévus, seuls 50 circulent aujourd’hui en Suisse. Comment jugez-vous cette situation?

La mise en circulation de 1600 camions en l’espace de quelques années était et reste certainement un objectif très ambitieux... mais sans un objectif ambitieux, ce projet n’aurait peut-être pas vu le jour. Il est également évident que l’introduction de nouveaux systèmes complexes est toujours liée à des hauts et des bas.

Voyez-vous encore des opportunités pour la mobilité à l’hydrogène dans le secteur des transports?

Les prix actuels de l’hydrogène, l’offre (encore) faible de camions à hydrogène et le manque de concurrence entre les fournisseurs d’hydrogène ne favorisent évidemment pas le développement du marché. D’un autre côté, les camions nouvellement mis en circulation en Suisse devront respecter des valeurs cibles de CO2 à partir de l’année prochaine afin d’éviter les sanctions. La législation sur le CO2 va fortement augmenter la pression en faveur des camions sans émissions. C’est là que l’hydrogène reprendra de l’importance.

Vous êtes donc convaincu que l’hydrogène a de l’avenir?

Oui, pas grâce aux véhicules à hydrogène, mais parce que nous ne pourrons guère faire l’économie de l’hydrogène lors de la conversion à un système d’électricité renouvelable. Nous avons entendu et lu dans les débats publics de l’été dernier que les entreprises d’électricité voulaient de moins en moins rémunérer l’électricité photovoltaïque et qu’il était même question de payer quelque chose pour l’injection de cette électricité dans le réseau électrique. Cela s’explique par les surplus d’électricité qui apparaissent inévitablement avec le développement du photovoltaïque. Il existe bien sûr d’autres mesures du côté de l’utilisation de l’électricité, mais la production d’hydrogène pourrait constituer un complément important.

Qu’en est-il de la production d’hydrogène en Suisse; est-elle suffisante ou devons-nous recourir à des importations?

La mise en place d’un système à hydrogène n’a de sens que si elle permet de couvrir une part minimale du marché. Et cela doit certainement représenter bien plus que 1600 camions. L’importation d’hydrogène n’est pas nécessairement la solution la plus simple en raison des coûts de transport élevés, des dépendances difficiles à résoudre et des obstacles réglementaires. La mise à disposition de quantités suffisantes d’hydrogène ne constitue toutefois qu’un des défis à relever; un autre concerne la distribution, qui se fait aujourd’hui par camion, ce qui n’est guère un modèle d’avenir. Soit l’hydrogène pourra être produit à l’avenir de manière décentralisée, directement sur le lieu de ravitaillement ou d’utilisation, soit il faudrait réaliser un réseau d’hydrogène analogue au réseau de gaz. Toutes ces options ont leurs avantages et leurs inconvénients. Il serait souhaitable que tous les acteurs dans ce domaine unissent leurs forces, par exemple sur le modèle de ce que fait le Belgian Hydrogen Council (BHC) en Belgique (voir encadré).

Interview: Fabienne Reinhard 
Photo: Daniel von Känel

 

Belgian Hydrogen Council

 

Le Belgian Hydrogen Council (BHC), un conseil national soutenu par l’industrie de l’hydrogène, vise à consolider et à renforcer la position de la Belgique en Europe et sur la scène mondiale en tant que région pionnière en matière d’hydrogène propre. Il s’occupe du profilage et de la promotion de l’industrie belge de l’hydrogène à l’intérieur et à l’extérieur du pays et de la représentation de l’écosystème belge de l’hydrogène dans les forums nationaux et internationaux.

Fabienne Reinhard