En Suisse, les camions sans émissions équipés d’une motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible sont exemptés de la RPLP. La Suisse dispose ainsi d’un système d’incitation que nous envient de nombreux pays, car il constitue un moyen efficace de taxer le CO2. Lors du Forum des transports d’Electro-suisse, Christoph Schreyer, responsable des transports énergétiquement efficaces à l’OFEN, a cité cette incitation comme l’une des raisons pour lesquelles les camions électriques lourds sont si répandus en Suisse. Au cours du premier semestre 2025, 9,7 % des poids lourds (>16 tonnes) immatriculés étaient des camions électriques, contre 5,5 % des poids moyens (3,5–16 tonnes), soit au total 17,2 % des nouvelles immatriculations de camions. Dans ce domaine, la Suisse est suivie par les Pays-Bas, dont la part est inférieure de 0,5 % (5,3 % pour les poids lourds, 11,4 % pour les poids moyens). Outre la RPLP, Christoph Schreyer mentionne également l’offre croissante de modèles de véhicules, qui explique la croissance exponentielle actuelle des immatriculations de camions électriques. Selon les calculs de Christoph Schreyer, un transporteur qui utilise un camion exempté de la RPLP économise entre 25 800 francs (camion de 28 tonnes, 60 000 km) et 76 500 francs (camion de 40 tonnes, 80 000 km) par an. Sur sept ans, il économise 28 % des coûts totaux (–365 000 francs) avec un camion de 40 tonnes, mais cela ne tient pas compte des investissements initiaux dans l’infrastructure de recharge. Même avec l’introduction progressive de la RPLP pour les camions électriques prévue à partir de 2029, les calculs de Christoph Schreyer montrent encore une économie substantielle par rapport aux camions diesel.
Dans sa présentation, Peter Galliker, P.-D.G. de Galliker Transport SA, a exposé les projets d’avenir de l’entreprise, qui exploite déjà aujourd’hui une flotte de près de 100 camions électriques. Ces projets s’appuient sur l’infrastructure de recharge rapide mise en place dans chaque succursale et sur une réflexion ciblée sur les nouveaux défis à relever. Il s’est avéré qu’aujourd’hui, le défi ne résidait pas dans la technologie automobile, mais dans la disponibilité de l’électricité, respectivement dans l’alimentation électrique fournie par les exploitants de réseau. Avec le projet E-Power 2.0, Galliker souhaite aller plus loin afin que d’ici à 2035, 70 % de la flotte nationale soit neutre en CO2 (contre 12,5 % actuellement), 30 % de la flotte internationale (contre 3,2 % actuellement), et que 100 % de l’électricité solaire produite par Galliker soit également stockée par l’entreprise elle-même. La demande de subvention correspondante est encore en cours d’examen par la Confédération, et pour Peter Galliker, l’obtention de cette aide sera déterminante pour savoir si le projet pourra être lancé aujourd’hui ou dans dix ans seulement.
D’autres exemples pratiques liés à l’électrification ont également été présentés par des entreprises de transport telles que Bernmobil, TPB (Bienne), BVB Basel (Bâle) et CarPostal.
Conduite automatisée
Avec l’ordonnance sur la conduite automatisée en vigueur depuis le 1er mars dernier, la Suisse joue un rôle de premier plan dans ce secteur prometteur. Oliver Nahon et Matthias Rödter en sont convaincus. Oliver Nahon est directeur de la Swiss Association for Autonomous Mobility SAAM (Association suisse pour la mobilité autonome) et Matthias Rödter est président du Swiss Transit Lab. Cette ordonnance est particulièrement saluée, car aucune autre législation sur la conduite autonome au monde n’est aussi ouverte. Elle permet donc également la réalisation de projets tels qu’«Artour» à Arbon (voir détails dans l’article suivant) ou «iamo» dans la vallée du Furttal. Dans le cadre du projet «iamo» (mobilité automatisée intelligente), des voitures et des minibus automatisés (quatre de chaque) doivent faciliter l’accès des personnes aux transports publics. Comme pour «Artour», les véhicules doivent à terme circuler sans conducteur de sécurité, mais sous surveillance à distance. Actuellement, «iamo» en est à la phase de mise en place technique (cartographie) et les premiers trajets embarquant des clients devraient être possibles au cours du premier semestre 2026. Divers autres projets sont en cours d’élaboration ou sur le point d’être réalisés en Suisse. A Kloten, par exemple, les employés de l’aéroport seront bientôt transportés d’un point A à un point B à bord de petites navettes autonomes. Un autre projet porte le nom d’«AutoDepot», le dépôt de bus automatisé. A l’avenir, les bus pourront y manœuvrer sans conducteur à une vitesse maximale de 3 km/h dans la cour et dans le garage. Les chauffeurs doivent ainsi pouvoir se concentrer sur la conduite avec des passagers. Selon Oliver Nahon, cela permettrait d’économiser 1500 heures par an dans un dépôt de 100 bus, ce qui représenterait une économie annuelle de 600 000 francs pour un dépôt situé en Suisse.
■ Texte: Martin Schatzmann, Photos: màd
Informations:
emobile-verkehrsforum.ch et energie-cluster.ch (voir encadré)
Congrès Power-to-Gas 2025
Il reste encore beaucoup à faire
C’est par cette affirmation prosaïque que l’on peut résumer le congrès Power-to-Gas organisé cette année par energie-cluster.ch. Ce congrès, qui s’est déroulé le 9 septembre, marqué par des exposés intéressants, s’est principalement concentré sur l’importance de l’hydrogène vert et des dérivés Power-to-X tels que le biométhane et le bioéthanol. Le point crucial pour le développement des infrastructures et la réalisation des projets est l’absence actuelle de sécurité en matière de planification, due à l’absence de lignes directrices claires, mais aussi à une politique monétaire axée sur le court terme. La sécurité en matière de planification est également importante pour les pays hors Europe, car seuls ceux-ci sont en mesure de couvrir nos futurs besoins en énergie verte. Malgré un intérêt marqué pour l’approvisionnement de l’Europe en hydrogène vert (depuis l’Algérie p. ex.), les capacités ne seront développées que s’il existe une garantie d’achat / sécurité d’investissement. Entre autres points, le congrès a été marqué par une incompréhension récurrente quant au fait que les émissions de CO2 n’étaient toujours pas sanctionnées. Les carburants et les approvisionnements énergétiques durables restent donc pénalisés en termes de prix, ce qui a un impact extrêmement négatif sur les modèles commerciaux potentiels et entrave, voire empêche la réalisation de projets à grande échelle. A cet égard, il devrait également être intéressant pour la Suisse de savoir si l’UE est prête à intégrer les carburants synthétiques dans la réglementation sur les émissions de CO2 des flottes automobiles, comme c’est le cas dans notre pays, et à prendre ainsi des mesures pertinentes pour parvenir à la parité entre les carburants fossiles et non fossiles.
Martin Schatzmann



