Pause ou fin prématurée du projet? – Les camions à hydrogène en Suisse

Véhicules et technique Ausgabe-01-2025

En 2022, on a fêté 5 millions de kilomètres parcourus en mode H2. Mais depuis, le nombre de kilomètres supplémentaires a été moins important que prévu.

«Des entreprises suisses écrivent l’histoire de la mobilité», pouvait-on lire il y a cinq ans, lorsque les tout premiers véhicules utilitaires électriques à hydrogène produits en série dans le monde ont été livrés. Mais au lieu des 1600 camions Hyundai XCIENT Fuel Cell prévus, seuls 50 circulent aujourd’hui en Suisse. Cela veut-il dire que le projet a échoué?

La mobilité à l’hydrogène a de l’avenir. Agrola SA, la fédération AVIA, Coop, Coop Huiles minérales SA, la société coopérative fenaco, Migrol SA et la Fédération des coopératives Migros étaient d’accord sur ce point et ont fondé en 2018 l’association de soutien à l’hydrogène «Mobilité H2 Suisse». Celle-ci a réuni les exploitants de stations-service et les entreprises de transport dans le but de réaliser un réseau de stations-service à hydrogène couvrant l’ensemble de la Suisse. La vision des exploitants de stations-service était de pouvoir un jour faire rouler des véhicules sans émissions. La mise en place devait se faire avec leurs propres flottes de véhicules et par le biais de l’économie privée au cours des cinq prochaines années. Ensuite, l’association de soutien devait se dissoudre et laisser le marché jouer son rôle. Au début, tout semblait bien se passer: de plus en plus d’entreprises de transport se sont jointes à l’association de soutien et en 2021, 46 camions Hyundai XCIENT Fuel Cell circulaient déjà en Suisse. Il aurait dû y avoir 1600 camions au total d’ici à 2025. Or, à ce jour, ils ne sont que 50.

Pandémie et crise énergétique

La question liée à l’origine de cette situation est vite résolue: «La pandémie de coronavirus et la crise énergétique, qui a entraîné une forte hausse des prix de l’électricité, ont eu raison de la rentabilité de l’utilisation de ces camions», comme l’explique Josef Jäger, directeur de la société Camion Transport SA et vice-président de l’association de soutien de l’hydrogène «H2 Mobilité Suisse». Ainsi, il n’a pas été possible de placer d’autres camions à hydrogène sur le marché. L’exploitation des camions à hydrogène n’a pas coûté le même prix que celle des véhicules diesel, comme prévu initialement, mais le double en raison de l’augmentation des prix de l’énergie.

Contrairement au nombre de camions, la situation est un peu meilleure en ce qui concerne les stations-service à hydrogène: 18 sont déjà en service. De nombreuses demandes de permis de construire seraient en outre acceptées, mais pour les exploitants de stations-service, l’investissement n’est actuellement pas rentable. Beaucoup de stations-service déjà existantes sont sous-utilisées en raison du manque de camions, comme l’explique Bernhard Wüest, directeur de l’association de soutien. La dernière station-service prévue pour l’instant ouvrira ce printemps à Egerkingen. Au même moment, un membre de l’association de soutien mettra également les deux premiers camions à hydrogène d’Iveco en service pour un essai.

Engagement tardif du Conseil fédéral

Peut-être que l’association de soutien était tout simplement en avance sur son temps, car ce n’est qu’en décembre 2024 que le Conseil fédéral a adopté sa stratégie concernant l’hydrogène. L’association de soutien a certes participé à l’élaboration de la stratégie, mais n’a pu exercer que peu d’influence. Le thème de la mobilité à l’hydrogène est tout de même ancré dans la stratégie, même si c’est de manière très succincte. Le Conseil fédéral ne veut pas promouvoir directement l’hydrogène en tant que solution de propulsion automobile. Mais il soutient la mobilité à l’hydrogène en voulant prendre en compte la surface de circulation pour les stations-service, comme pour les véhicules électriques. Actuellement, les besoins en hydrogène de la Suisse s’élèvent à environ dix gigawattheures, selon les informations de l’association de soutien. Dans sa stratégie, la Confédération table sur 110 à 380 gigawattheures par an d’ici à 2030.

Il vaut mieux attendre

La stratégie du Conseil fédéral est certainement positive pour la mobilité à l’hydrogène. Néanmoins, il faut s’attendre à ce que la plupart des entreprises de transport renoncent à acheter des véhicules à hydrogène dans les prochaines années, car la sécurité de planification n’est pas assurée. De plus, l’exonération de la RPLP pour ces véhicules prendra fin en 2030. L’entreprise Camion Transport SA ne prévoit pas non plus d’autres camions à hydrogène pour l’instant. «L’achat et l’exploitation sont trop coûteux. De plus, aucun nouveau modèle de Hyundai n’est actuellement disponible», explique Josef Jäger. L’entrepreneur veut donc encore attendre: «Si, à partir de 2028 environ, des constructeurs comme Daimler ou Volvo arrivent sur le marché avec des camions à hydrogène, je vois de bonnes chances d’orienter vers cette technique les trains routiers et les semi-remorques qui parcourent environ 80 000 km par an.» Il voit toujours un potentiel dans l’hydrogène: «C’est justement parce que les installations photovoltaïques permettent de produire beaucoup de courant vert excédentaire à différents moments que l’hydrogène est une véritable chance pour la décarbonisation du transport routier de marchandises.» Martin Osterwalder, président de l’association de soutien, reste lui aussi optimiste: «Si nous voulons parvenir à la décarbonisation du système énergétique, l’hydrogène est essentiel.»

Texte: Fabienne Reinhard 
Photos: Daniel von Känel